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"Nous ne voulons pas que cela se reproduise", intervention de Blandine DRAIN

Publié le 23 juin 2015

Si vous le permettez Monsieur le Président, je souhaiterai intervenir rapidement à propos de ce que nous venons de vivre avec les collégiens nous parlant de leur expérience aux Camps de Buchenwald et de Dora. Une intervention évidemment en tant que Vice-Présidente en charge de l’Éducation mais aussi en tant qu’enseignante ayant suivie ce projet de l’intérieur.

Avant d’être élue Conseillère Départementale j’ai effectivement accompagné le groupe de collégiens d’Hucqueliers dans sa préparation à ce voyage si marquant.

Je peux donc témoigner d’une part de l’impact considérable de ce projet sur les jeunes et témoigner d’autre part de son apport pour la communauté éducative. Un projet de mémoire, un partenariat entre les enseignants et la Coupole d’Helfaut qui est un véritable modèle du genre et qui existe uniquement par la volonté des élus départementaux.

Il ne s’agit pas d’une compétence du Département, il ne s’agit pas d’un dispositif ancien perpétué année après année, il s’agit d’un dispositif volontaire nouveau.

Pour autant, il n’y a là aucune gabegie ! Derrière ce dispositif, il y a une réflexion, il y a un choix des élus répondant à un besoin spécifique.

Ce besoin quel est-il ?

Je ne reviendrai bien sûr pas sur ce que nous avons vu et entendu, cela était suffisamment parlant.

Je voudrais pourtant revenir un moment sur ce terme de "devoir de mémoire" que nous mettons parfois à toutes les sauces.

Comme vous le savez sans doute, ce terme de "devoir de mémoire", désormais dans le langage commun, doit son origine à l’écrivain juif italien Primo LEVI. Primo LEVI avait été déporté à Monowitz, un des camps auxiliaire du camp d’extermination d’Auschwitz.

L’absolue nécessité du "devoir de mémoire", cette incitation auprès des survivants des camps pour qu’ils témoignent, n’était pas tant pour Primo LEVI un moyen de lutter contre l’oubli au fil du temps. L’urgence était pour lui de lutter contre le scepticisme des vivants, des contemporains de cette horreur. Des contemporains qui ne voulaient pas croire ce qui était raconté.

Ce que nous vivons donc aujourd’hui avec nos collégiens rentre évidemment en résonance avec l’histoire de Germaine TILLION et celle de Geneviève DE GAULLE, toutes deux rescapées de Ravensbrück et désormais au Panthéon de notre pays.

Mais cela doit aussi résonner avec aujourd’hui.

Je parlais du rôle prépondérant de Primo LEVI. Allez voir ce que dit de lui l’historien révisionniste FAURISSON, l’accusant d’être un faux témoin. Allez voir ce que disent sur les camps d’extermination, les amis négationnistes de Dieudonné et les mouvances extrémistes.

Alors que toute l'Europe s'était organisée aux lendemains de la seconde guerre mondiale et de la découverte de l'horreur des camps pour garantir la fraternité entre les peuples, la tolérance et la coopération entre toutes les composantes de la société et de l'humanité, seuls garants de la paix, nous assistons aujourd’hui à la résurgence d'idées nauséabondes ; et comme dans les années 30, les prophètes de la haine manipulent la misère, le désespoir et la peur de l'avenir qui touchent certains de nos concitoyens pour mieux imposer leur projet de société.

Oui la mondialisation pose question et appelle à la mise en place de garde-fous, oui la crise économique qui nous frappe nous impose de travailler ensemble à la réduction des inégalités et à la garantie de conditions de vie décentes pour chacun. Oui ! Et nous y travaillons jour après jour.

La mise en place d'une société sectaire, haineuse où chacun se méfierait du voisin, où chacun tenterait d'imposer sa vision des choses, ses croyances, ses pratiques, ses coutumes nous y aidera t-elle ? Assurément non.

Au delà de nos divergences d'opinion, chacune des composantes de cette assemblée poursuit le même but : trouver des solutions à la crise et œuvrer au mieux vivre des habitants du Pas-de-Calais.

Seulement parmi nous, certains avancent en catimini, derrière l'intention louable et que nous partageons tous d'aider les plus démunis, des idées de haine et de rejet de "l'autre" qui préfigurent le chaos.

J’en veux pour preuve, les événements récents qui résonnent avec ce qui s'est passé à Dora : les attentats de janvier dernier par exemple.

Exécutés parce que dessinateurs d’opinion. Exécutés parce que juif. Exécuté parce que policier, français et musulman.

Il ne se passe pas un jour en fait sans que le scepticisme n’avance, sans que certaines libertés individuelles ne soient remises en cause par certains.

Lorsqu’on saccage un planning familial pour empêcher le choix d’avorter, lorsqu’on cherche à détruire le village des associations de la Diversity Parade, comme ça été le cas il y a deux semaines ici à Arras, on s’attaque aux libertés individuelles, au nom de l’idéologie sectaire et liberticide.

À Buchenwald et à Dora, certains déportés portaient une étoile jaune, parce que juifs. Pour d’autres cette étoile était rose parce qu’homosexuels, noire parce que lesbiennes, prostituées ou alcooliques, marron parce que tziganes ou rouge parce que résistants ou militants politiques.

Alors oui, nous avons raison d’accompagner notre jeunesse pour qu’elle comprenne bien l’Histoire. À l'heure où nous parlons, les témoins des horreurs de la seconde guerre mondiale s'éteignent les uns après les autres. Et, au regard de l'évolution des mentalités que nous constatons aujourd'hui dans notre société toujours vers plus de racisme, d'antisémitisme, d’islamophobie, de xénophobie, il est du devoir d'une institution comme la nôtre de former, à travers d'initiative comme celle qui vient de nous être présentée, les nouveaux témoins de l'histoire, des ambassadeurs de paix et de fraternité. Et nous nous devons de le faire collectivement, parce que parfois l’histoire bégaye.

Intervention complémentaire sur la mise à l’honneur des collégiens par Blandine DRAIN, Vice-Présidente en charge de l’éducation

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